Des informations venues du Sud

Le jour commençait à décliner lorsqu'un voyageur capuchonné se présenta aux portes de Moulin de Tarren. Chevauchant un destrier de la mort et armé d'une lame runique, la nature de l'inconnu ne laissait nul place au doute.

Il descendit de sa monture, qui disparue aussitôt dans un nuage d'énergie sombre, et s'approcha des gardes postés à l'entrée de la cité. Alors qu'il retira sa capuche, il vit, comme à l'accoutumée, les Réprouvés se mettre en garde.

Et pour cause, la capuche dévoila le visage d'un humain. Pale, parsemé de cicatrices non refermées, bref, dans un sale état, mais humain tout de même.

Il n'était pas venu depuis quelques mois, mais connaissant la consigne, il leva les mains et s'immobilisa. "Vos gradés me connaissent sous le nom d'Octavus. J'ai des informations venant de la cité des vents hurlants, veuillez me conduire à votre ambassade et prévenir la section militaire."

Après avoir remis sa lame et avoir été fouillé, Octavus fut "escorté" par l'un des gardes jusqu'à l'ambassade, et attendit patiemment que ledit gradé soit prévenu de la situation et vienne à sa rencontre.

Le Lieutenant Thorcen, occupé à son bureau, observait à l'extérieur les gouttes d'eau qui commençaient à se fracasser contre la fenêtre de la pièce. Ce simple spectacle apaisait Baldred, cela lui rappelait de nombreux souvenirs aussi bien de sa première vie, de la précédente et de celle actuelle.

Il finissait d'apposer les quelques sceaux à la cire sur diverses enveloppes qui étaient pour la plupart toutes destinées à Fossoyeuse.
Des bruits de pas vinrent perturber ses pensées. Vu les cliquetis métalliques qu'il entendait à un rythme régulier, il ne pouvait que se douter que cela lui était destiné et qu'il n'allait plus être tranquille pour longtemps.
Aussitôt il entendit toquer à la porte.

"Lieutenant, un certain Chevalier de la Mort humain du nom d'Octavus souhaiterait vous voir. Il semble vous connaître, j'peux le faire entrer ?"

Le lieutenant frotta sa mâchoire à l'aide de sa main osseuse, essayant de se rappeler où est-ce qu'il aurait pu croiser un tel individu.
Puis après mûre réflexion il haussa la voix.

"Et bien oui. Faites donc."

Le garde ouvrit assez la porte pour laisser entrer l'humain puis une fois passé la ferma aussitôt.

Le lieutenant agita avec lassitude sa main faisant signe à Octavus de s'approcher sans pour autant lui proposer de quoi s'asseoir.
Il croisa les mains.

"Si ce n'est pas notre cher Octavus, quel mauvais vent vous amène ici ?"

Tout en parlant le lieutenant continuait d'apposer quelques derniers sceaux.

L'Humain avança nonchalamment dans la direction du bureau du Réprouvé. Visiblement ce dernier était en proie à l'incommensurable force de l'administration, ce qui fit légèrement sourire Octavus, mais ce n'était pas un sourire de complaisance.

Sans même attendre la permission - qui ne viendrait sans doute pas, de toute manière -, il tira une chaise pour s'asseoir tout en mettant sa sacoche remplie de papier sur ses genoux et fit face au gradé.

"Mauvais vent ? Je suis peiné, Lieutenant. Moi qui vous amenait des nouvelles d'Hurlevent. Voyez !"

Il sorti quelques papiers de son sac et les déposa sur l'office et les glissa vers Baldred.

"Ce sont principalement des relevés militaires et des journaux, je vous laisse faire le tri. Également une note sur l'incendie du bâtiment des Cloches voici quelques mois, je crains de ne pas l'avoir mentionné au Grande Exécuteur durant ma dernière venue Il paraitrait, selon la rumeur, que la tête des enfants du septentrion serait tombée au court de la nuit du feu. Un poids en moins pour vous, non ?"

Pour certains, ce que racontait ici Octavus était du charabia. Peut être l'était-ce également pour Baldred ? Qu'importe, il délivrait les informations sous la forme qui lui plaisait, tant pis pour les mécontents. L'information était une denrée précieuse, il fallait légèrement la renommer. C'était le résultat d'une vieille habitude, les murs avaient des oreilles. Octavus n'était d'ailleurs pas son vrai nom, mais les Réprouvés s'en fichaient de toute manière.
Il termina sur un prospectus, visiblement récent et le déposa sur le dessus de la pile.

le prospectus en question:

"J'ai pris ça, pour la curiosité. Une nouvelle guilde écarlate je pense. Peut être vos futurs voisins ?"

L'Humain s'adossa à la chaise et croisa les mains. "C'est tout ce que j'ai pour le secteur militaire. Si vous avez des questions sur l'état du Sud, je vous écoute, Lieutenant."

Le lieutenant écarta les quelques papiers disséminés sur son bureau afin d'en faire le tri. Il mit les journaux de côté dont il se fera un plaisir de lire plus tard près de la cheminée et son feu inexistant.

"Les cloches sans tête ? Et bien voilà de quoi nous permettre de prendre l'avantage sur eux les temps à venir. Les enfants du septentrion... Mh oui j'en ferais pas au grand Exécuteur"

Il prit le dernier prospectus de la main d'Octavus puis y jeta un oeil attentionné.

"La Sainte flamme... Encore ces fichus fanatiques flambeurs de belles paroles qui veulent continuer sur les voies de l'ancienne Croisade. Bah ! Ils n'auront qu'à rejoindre leurs camarades six pieds sous terre !"

Un ricanement léger s'extirpa de la mâchoire de Baldred puis il rangea avec soin le dit document dans une de ses poches. Il le présentera à Daern dés que possible.

Il imita la position de son invité tout en essayant de garder une hauteur supérieure face à lui.

"Vous avez bien fait, voici le paiement comme d'habitude."

Il ouvrit un de ses tiroirs et en tira une vieille bourse en cuir prenant la poussière, il la soupesa puis la balança près d'Octavus.

"Pour mon secteur c'est tout bon, mais si vous avez des informations pour la branche de la grande Apothicaire je vous convie à rejoindre son bureau immédiatement. Un garde se fera une joie de vous y conduire avec toute la politesse qu'il faut bien évidemment..."

Un sourire se figea dans ses lèvres à la fin de ses mots.

L'humain attrapa la bourse en plein vol et la rangea aussitôt dans sa sacoche. Il n'était pas nécessaire de compter, les Réprouvés sont des gens honnêtes, n'est-ce pas ?

Il se releva tout en joignant la formule de politesse de départ. " Il me semble que j'ai également quelque chose à transmettre à la Grande Apothicaire, j'y vais de ce pas. Vous passerez mes amitiés au Grand Exécuteur."

Octavus s'inclina sommairement et se tourna vers un des gardes. "Je vous suis, mon brave."

Le garde salua respectueusement le Lieutenant Thorcen, avant de se tourner vers l'humain.

"Allons-y."

Et sans perdre plus de temps, le réprouvé ouvrit la porte, fit signe à l'humain de sortir, puis sortit et referma la porte derrière lui.

"Le bureau de la Grande Apothicaire n'est pas très loin." dit-il tandis qu'il faisait simplement remonter le couloir au chevalier de la mort.

Il frappa à la première porte, mais n'eu pas de réponse. Il la poussa alors pour entrer dans l'office dédié à l'homologue de la Grande Apothicaire, le Professeur Putridius. L'officier n'étant visiblement pas présent, le garde alla frapper à la seconde porte.

"Entrez..." répondit une voix lasse marquée par un accent thalassien.

Le garde entre, salue brièvement la Grande Apothicaire qui est affairée à son bureau avec diverses notes sur des parchemins épars présentant formules complexes et croquis.

"Grande Apothicaire... Cet individu dit avoir quelque choses à vous transmettre..."

D'un geste de la main, l'Apothicaire congédie le garde, qui se place dès lors en retrait, et invite l'humain à s'installer.

L'invité - qui se sentait davantage intrus - observa la pièce. Les informations qu'il transportait étant destinées au domaine militaire, il n'était jamais venu dans le bureau du département MR&D.

La salle était sensiblement la même que du coté du Grand Exécuteur - les Réprouvés n'étant pas franchement connus pour leur sens de la décoration -. L'humain jeta un œil sur les parchemins, mais préféra ne pas laisser trainer son regard, et s'inclina devant la propriétaire des lieux.

"Grande Apothicaire Âmefeu, je présume ? Nous n'avons pas encore eu l'honneur d'être présenté. Appelez moi Octavus. Je ne suis qu'un humble rapporteur des contrées du sud."

Il s'installa, conformément à l'invitation de son interlocutrice, et enchaina en déposant une liste sur la table, visiblement des ingrédients alchimiques et plusieurs formules obscures.

"Il se dit, dans quelques coins obscurs de la cité tumultueuse, que des gens travailleraient à la réalisation d'une "peste" permettant d'anéantir les non-morts. Je me suis procuré cette liste, mais n'étant pas alchimiste, je ne saurais dire de quoi il en retourne, je me permet donc de la transmettre à une sommité apothicaire"

Dans la liste se retrouva également, coincé entre deux feuilles, une liste de course classique (probablement volée à une quelque personne qui passait par là) et un exemplaire du parchemin de la Sainte-Flamme. La sacoche d'Octavus n'était pas vraiment un modèle d'ordre et de tri.

Octavus inclina légèrement la tête au constat de la Grande Apothicaire de l'utilité de son travail.

A la mention de la peste, l'informateur se remémora l'état actuel d'Austrivage, une ville totalement ravagée par cette arme de guerre. Il y avait vécu lorsqu'il était humain, mais il chassa bien vite ce souvenir. C'était une autre époque.

"S'ils en viennent à réellement fabriquer une peste, j'imagine qu'elle sera larguée par des machines volantes gnomes sur les villages réprouvés. Enfin, c'est ce que je ferais."

Il remarqua ensuite que certaines feuilles s'étaient glissées dans le lot dédié à la Grande Apothicaire. Qu'importe, après tout, ça concernait tous les gradés.

"Mmh la Sainte-Flamme, j'étais présent lorsque cette "Jadie Faldren" a fait son sermon sur un toit du quartier commerçant. Je me suis un peu renseigné, et les membres de l'Alliance n'apprécient déjà guère cet ordre. Ils ont même fait une altercation dans une taverne parce qu'un quelconque démonologue avait son diablotin de sortie. Après tout, ce sont des écarlates."

Octavus haussa les épaules. Les écarlates avaient mauvaise réputation dans les grandes villes de l'Alliance, mais ils pouvaient être dangereux. "Ils sont à surveiller, je suppose."

La Grande Apothicaire écoute avec une certaine attention les propos de l'humain, jusqu'à ce que le silence revienne dans la pièce.

"Si j'avais des machines volantes sûres, c'est aussi ce que je ferais. Mais ces appareils ont tendance à être bruyants. Après... Il serait toujours possible de mettre en place une façon de les contrer. Enfin... Je suppose. Je vous demanderais de bien vouloir surveiller cette histoire de Peste."

La réprouvée ouvre un tiroir, range certains documents pour faire de la place, et ne garde devant elle que la liste d'ingrédients, le parchemin de la Sainte Flamme, et un livre ouvert sur une plante commune des maleterres.

"Pour ces fanatiques lumineux, oui... Ils sont aussi à surveiller. Mais ça, je pense que le secteur militaire vous l'a déjà demandé. En savoir un peu plus sur cette "Jadie Faldren" pourrait être utile. Avec des informations précises, sur la personne et sur les actions déjà menées par cette dernière, nous seront peut-être en mesure de prévoir les prochaines."

Ouverture d'un nouveau tiroir. La réprouvée en sort une bourse de tissu et vide et un certain nombre de pièces qu'elle ne prend pas la peine de compter. Elle les dépose dans la bourse et referme cette dernière, avant de la poser devant Octavus.

"Je suppose que vous avez déjà été payé, alors considérez ça comme une avance de la part de mon secteur. Si vous n'avez rien d'autre à m'apprendre, le garde va vous raccompagner aux portes de la ville."

Seul les hochements de tête discrets de l'Humain ponctuaient les paroles de la Réprouvée. Il récupéra la bourse et la rangea aux cotés de sa grande sœur.

"Je tâcherai de me renseigner sur cette histoire de peste et sur les exploits de cette écarlate. Je reviendrai lorsque j'aurai des choses à vous apprendre, je ne fais guère confiance aux courriers. Par contre, si vous désirez me voir dans la semaine, envoyez une lettre vierge à l'auberge "Chez Porath" d'Hurlevent, à Edward Doubleson, et je remonterai."

Il se leva et s'inclina de nouveau. "Ce fût un plaisir, Grande Apothicaire Âmefeu. Je vais prendre congé"

Il rabattit sa capuche et à mi-chemin de la sortie, lâcha autant pour Solina que pour lui même : "Lordaeron prévaut"